Aujourd'hui dans les salles de cinéma en France, sort le film-documentaire :"Senna", premier long métrage consacré à ce grand pilote disparu dans un tragique accident sur le tracé d'Imola, circuit de Saint-Marin en Italie le 1er mai 1994 !
SENNA : BANDE-ANNONCE VOST Full HD par baryla
Ce film retrace la carrière d'Ayrton Senna de 1984 jusqu'à cet accident fatal où il trouva la mort ! Asif Kapadia le britannique, en est le réalisateur et grâce à l'aide précieuse de Bernie Ecclestone et les archives de la FOM) il a pu faire un film formidable sur ce pilote hors du commun. Le film a été récompensé lors du festival Sundance comme meilleur documentaire.
Le triple champion du monde était un sacré pilote qui pouvait sembler être hautain et snob, avec des colères mémorables, avec une hargne dont Prost se souvient bien, étant toujours son concurrent direct, mais les deux hommes étaient avant tout de supers amis et se respectaient infiniment, et cette "bagarre entre eux" n'existait que sur le circuit, en dehors ils s'adoraient ! Et franchement qui ne pouvait pas adorer Ayrton Senna quand on a eu la chance de le côtoyer réellement !
Au printemps 1992, je termine mes études et je passe une sorte de "casting" pour travailler pour le Grand Prix qui se déroule au circuit de Nevers-Magny-Cours, soit pour être hôtesse d'accueil, secrétaire ou autre... Je pense n'avoir aucune chance mais un jour on m'apppelle déjà pour être hôtesse d'accueil en salle de presse et comme secrétaire pour les essais FOCA (essais privés qui se déroulent quelques semaines avant le Grand Prix). Je suis chargée de m'occuper des journalistes en salle de presse et de préparer les accréditations pour le futur Grand Prix, et tout ce qui va avec. Je travaille directement et tous les jours pendant huit jours avec le responsable presse et relationnel des Grands Prix de F1, un homme pas toujours facile, qui me demande beaucoup et pour qui je travaille 15 heures par jour juchée sur des talons, à courir partout etc ! Déjà de faire les essais FOCA c'est pour moi une grande chance je n'en espérais pas autant, étant donné qu'il y avait plus de 1500 filles en attente pour ce genre de poste ! Pendant ces essais je montre le meilleur de moi même, tout en serrant les dents car "le grand patron" n'est pas toujours très tendre et qui parfois (peut être pour me tester) me donne "des missions" improbables du genre : "vous devez impérativement déposer ses deux enveloppes une au préfet et une au maire de Nevers (Monsieur Beregovoy à l'époque) ce soir et si vous n'arrivez pas à le faire ce soir, ce n'est pas la peine de revenir travailler pour moi et d'espèrer un travail pour le Grand Prix" et il m'asséne cela à 19 h 30 ! Loin de me démonter, je fonce sur Nevers, évidemment à cette heure préfecture et mairie sont fermées sauf qu'il m'en faut plus pour me décourager, je vais voir à la maison du gardien de la préfecture à qui je demande de déposer impérativement cette lettre au préfet, je lui demande son nom et sympathiquement il me dit "ne vous inquiétez pas je lui donne en main propre dès demain matin !" J'arrive à la mairie, là le hall est ouvert mais plus personne, sauf les femmes de ménage, je leur demande où se trouve le bureau du maire je dois lui remettre cette enveloppe, une dame arrive avec un trousseau de clés énorme, la responsable des femmes de ménage, elle me propose d'ouvrir le bureau du maire, et d'ainsi déposer moi même l'enveloppe sur le beau bureau ! Ça me fait drôle, je n'étais jamais rentré ici !! Je prends aussi le nom de cette dame et le lendemain, mon "grand patron", pense que je n'ai pas pu réussir étant donné l'heure de sa demande mais quand il apprend que la mission était faite, il a tourné les talons et moi je n'en étais pas moins heureuse d'avoir pu le bluffer !! Le dernier jour il me fait venir dans son bureau pour payer mon travail et il me dit "Véronique" (c'est la première fois en huit jours qu'il m'appelle par mon prénom), "Véronique, vous avez travaillé avec acharnement et je sais que les journées n'étaient pas faciles, mais préparer ce genre de manifestations nécessite rigueur et disponibilité ! Je vous remercie et j'espère que vous pourrez travailler durant ce Grand Prix ?" Il me donne ce qu'il me devait, me tend la main et me dit "Quelqu'un vous appellera dans les jours qui viennent pour vous dire comment cela se déroulera !" Pendant ces essais j'avais sympathisé avec pas mal de monde, dont l'attachée de presse, Elizabeth, très bien placée et qui m'avait dit " je vais tout faire pour que tu occupes un travail plaisant pendant le Grand Prix !" Car il est vrai qu'il y avait beaucoup de petits boulots cela pouvait aller de servir les toasts sous des chapiteaux, à s'occuper de faire des photocopies en sous-sol toute la journée sans voir le jour (dans une ambiance surchauffée), et encore moins une formule 1, et de n'entendre que le brouhaha qui se passe au dessus, au travail plus intéressant ! Deux jours après les essais FOCA me voilà convoquée pour une réunion d'information à Magny-Cours pour savoir où j'allais travailler, je retrouve Elizabeth, qui me fait un clin d'oeil ! Quand arrive mon tour, on m'annonce que je vais être la secrétaire des commissaires de course et leur hôtesse personnelle dans le local où ils officient : c'est à dire taper quelques rapports en anglais et français, leur servir le café, ouvrir la porte aux VIP nombreux qui allaient leur rendre visite, quelques photocopies, travailler avec celui qui dirige la courses (on l'appelle aussi "le starter de la course") qui agite le drapeau au démarrage, qui agite le drapeau à damiers, qui prend les décisions ultimes en cas d'accident, de litiges, ou si il faut tels ou tels pneus en cas de pluie et cette année là est une année avec pluie !! On me donne ma tenue : deux chemisiers blanc, une lavallière noire, une veste couleur violine, deux jupes grises ! On me fait signer un papier car à la fin du GP F1 nous devons rendre la tenue ! On m'explique tout ce que j'allais faire, les horaires etc ! C'était plutôt des horaires pas trop durs le matin, en sachant que l'heure de fin des journées n'était pas fixe ! Je voyais les mines déconfites de certains qui se retrouvaient dans les fameux sous-sol, sous les tentes au fin fond du circuit et moi je me retrouvais aux premières loges à côté des écuries. (Je me disais au fond de moi : "Le travail harassant des essais FOCA a payé, je m'en suis peut être vu mais cela a porté ses fruits") ! Je voyais les voitures qui allaient sur la ligne de départ, les voitures qui rentraient pour le ravitaillement, ou bien celles accidentées etc et puis surtout une chose superbe m'arriva, le commissaire principal qui était un anglais un homme sensationnel, voulait que je sois au briefing des pilotes, réunions où les pilotes et directeurs d'écuries sont obligés d'assister ! Je devais faire émarger tous les pilotes et les directeurs d'écuries ! Alors là c'était vraiment un instant magique, j'ai pu voir les pilotes qui m'ont tous parlé, en anglais pour certains, en français, en allemand ! J'ai vu Mansell, et Mickael Shumacher pour qui c'était la première saison en formule 1 etc et puis j'étais très impatiente de voir Ayrton Senna, je savais qu'il arriverait mais il se faisait désirer, d'un seul coup le voilà ! Je me l'imaginais plus grand. Il était mince très mince, remarquez ils le sont tous car en fait pour pouvoir monter dans de telles voitures il vaut mieux l'être ! Donc pas très grand, sa combinaison de pilote à moitié enfilée le haut sur les hanches, les lunettes de soleil, le voilà qui arrive et le voilà qui soulève ses lunettes, il me regarde droit dans les yeux, un large sourire aux lèvres, je lui passe le stylo afin qu'il signe pour qu'enfin le briefing commence et il se met à me parler avec un accent et un français très approximatif : "Bonjour mademoiselle, vous allez bien ? " ! Un timide "oui, heureuse de vous rencontrer", "Hé ? moi aussi mademoiselle !!" Il signe la feuille et tout le long de la réunion il n'a cessé de blaguer avec Mansell et le pilote japonais, ils s'arrosaient discrètement avec des bouteilles d'eau et Ayrton se retournait vers moi pour blaguer ! C'était un vrai clown loin de ce qu'on avait pu me dire de lui ! En repartant il est venu vers moi et m'a fait la bise et m'a dit à bientôt !
Ensuite arriva la course, j'avais vraiment un travail idéal, en fait c'était les commissaires de courses aux petits soins pour moi, ils m'ont donné plein de cadeaux des tee-shirts, un agenda en cuir que j'ai toujours, je n'avais pas beaucoup de documents à faire. Il y a eu peu d'incidents et puis j'ouvrais la porte aux VIP, je repense surtout à monsieur Beregovoy et son épouse. Je la vois encore avec son tailleur vichy rose et le large sourire de Monsieur le Maire de Nevers, en plus j'étais dans le même lycée d'une de ses petites-filles dans les années 80 ! Je vois aussi Guy Roux toujours avec la même verve et le même enthousiasme et puis tant d'autres ...... ! Pendant le grand prix les commissaires me proposent d'aller faire un tour de circuit dans la voiture qui fait le tour avant de commencer la course, mais je devais rester pour m'occuper avec le grand dirigeant de la course de différents papiers ! Pendant la course, Ayrton Senna a un malheureux incident et sort de la course, en colère bien sûr, il arrive à pied sous la pluie, son casque sous le bras, je lui ouvre la porte, et il entre dans le bureau du commissaire de course principal. Ils s'expliquent sérieusement, certainement qu'Ayrton n'est pas très content pour je ne sais quelles raisons et puis une fois l'explication faite il ressort le visage plus détendu et me dit "Au revoir demoiselle" toujours avec ce bel accent et il se dirige vers son écurie et se met assis afin de regarder le reste de la course tout en parlant avec des gars de son écurie et observe un écran. J'avais grâce aux commissaires de courses pour qui je travaillais, l'autorisation de faire toutes les photos que je voulais et d'aller comme bon il me semblait voir les écuries, dans la mesure du possible, car tout n'est pas toujours accessible, j'avais un pass spécial, mais je n'avais pas accès spécialement à tout ! J'ai tout de même pu faire de belles photos et je n'osais pas déranger Ayrton, je l'ai pris de loin, il était concentré sur la course ! Parfois il tournait la tête vers moi et me faisait un petit geste de la main. Je ne pourrais jamais oublier les grands sourires qu'il me faisait et sa gentillesse ! Celui qu'on disait hautain c'était tout le contraire !! J'ai gardé une photocopie de toutes les signatures des émargements des directeurs d'écuries et des pilotes, document unique et j'ai gardé le stylo avec lequel Ayrton a signé, c'est la dernière personne qui a écrit avec ce stylo que j'ai mis dans ma vitrine !
Le 1er mai 1994, je regarde le Grand Prix d'Italie, un grand prix à l'ambiance particulière, la veille durant les essais qualificatifs donc le samedi, Roland Ratzenberger se tue. Ayrton se fait rappeler à l'ordre pour être aller voir l'endroit où Roland c'est tué, ils avancent qu'il n'avait pas à faire cela avant le Grand Prix. Ayrton est affecté par le drame de la veille. Il ne sent pas la course, il le dit même à ses proches mais il monte tout de même en voiture et la suite vous la connaissez. Quand devant les caméras en direct j'ai vu cela, j'ai eu beaucoup de mal à le croire, j'ai été très touchée et je n'ai plus jamais regardé la Formule 1 depuis !!
Je ne vais jamais oublier cet homme croisé un jour de mai 1992, jamais son sourire ne s'effacera de ma mémoire et il reste pour moi avec Alain Prost, un grand homme de ce sport automobile !
Une belle rencontre pour moi et que d'anecdotes .........
Véronique Blandin