Je me souviens de ces moments, assise en tailleur, souvent dans ma chambre, un livre comme seul témoin de mes rêveries ...
Je m'évadais tellement que j'en oubliais tout ce petit monde qui s'agitait quelque part dans la maison ...
J'entends encore ma mère m'appeler et son impatience quand je ne venais pas ...
J'étais avec les personnages de Dénuzière quelque part en Louisiane ! Je me voyais chevauchant avec Clarence Dandrige ou dansant à son bras, vêtue des plus belles crinolines, me promenant en sa compagnie sous les grands chênes ! J'étais émue et triste quand la fièvre jaune faisait trembler la belle Virginia Trégan...
Je passais aussi de longs moments en compagnie de Raskolnikov, pris, entre "ses crimes et ses châtiments", interloquée par les tourments de Mychkine, 'l'Idiot". Je commençais de toucher du bout des doigts la tumultueuse série des "Frères Karamazov" qui aujourd'hui m'accompagne encore et qui n'a pas encore délivré toutes ses clés ....
Et puis, mon coeur se tournait vers la fragilité et le talent de Maxime Gorki. J'ai pleuré en lisant : En gagnant mon pain ou bien encore Enfance ! J'ai tellement aimé Maxime Gorki, que souvent je le relis inlassablement ...
Je passais mes soirées quelques années plus tard avec Julius, "mon Julius". Quelle vie romanesque ! J'ai découvert quel grand homme était Jules Roy, en me "noyant" dans ses "Mémoires Barbares", en rêvant dans ses "Amours Barbares" ... Chevauchant "ses chevaux du Soleil" ... En lisant Julius, c'est l'âme profonde de Vézelay qui m'intrigue, et la chaleur de l'Algérie que je ressens ...
Je suis toute retournée, quand "l'homme au chapeau rouge" me sort de mon adolescence et de ma naïveté. J'en tombe amoureuse, il est mon "Ziggy" à moi et ses yeux bleus vitreux ne cesseront jamais de me tourmenter et de me faire fondre. C'est alors que "le cytomégalovirus" marque pour toujours ma génération. Le soir où Bernard Pivot, l'invite avec maman, ont est en état de sidération et nous sommes sous le charme. Je suis, désormais "folle" d'Hervé comme il est "fou de Vincent"... "Cet ami qui ne t'as pas sauvé la vie", me donne envie de crier .... malgré ton départ, tu restes pour moi "mon Valet" ... Je déguste tes livres en écoutant Prokofiev, en toute "pudeur et impudeur", sur toi je pourrais écrire des heures ... Tu manques à la littérature ... Tu me manques tout simplement...
J'ai seize ans quand "Bonjour Tristesse" m'emporte dans la vie de Cécile. Et depuis, "le charmant petit monstre" devient mon idéal littéraire. Je t'aime éperdument encore et surtout je te comprends ... et pour toujours ! Quelques années plus tard, "La laisse" m'impressionne. De Guerre Lasse me donne des frissons ... et son auto-critique "Derrière l'épaule" me suit partout ...
Oui il y en a encore tellement ... les Konsalik, les Simenon, Agatha Christi et Exbrayat... Hugo et Zola ... Byron ... Pascal ...
Alors avec tout ça, mes souvenirs d'enfance, sentent bon l'odeur des bibliothèques, de l'encre ...
Si un jour vous me cherchez, je suis certainement le nez plongé, dans un de ces souvenirs d'enfance ....
Véronique Blandin